La poétique du travail de Terencio González échappe aux conventions picturales de notre époque. Ses toiles sont le résultat d’une longue tension entretenue comme une respiration qui toujours se déploie plus loin, plus loin encore. On y trouve de belles alliances picturales où peu à peu le détail apparaît, la couleur envahit très doucement la toile et allie la transparence à la densité des teintes, la fragilité et la puissance.
Au départ, il retourne aux sources en reprenant à son compte la culture d’origine de son père, l’Argentine. Il travaille ses toiles en utilisant des fonds d’affiche d’un format spécifique qui servent à Buenos Aires pour l’annonce de concerts, de fêtes ou de manifestations politiques et dont le papier très fin et presque transparent lui permet des combinaisons de verticales et des superpositions. Il crée ainsi des œuvres rehaussées d’un trait de spray qui implique le mouvement. Les peintures sont sérielles rappelant dans leur forme les grands abstraits. Sur les toiles, l’espace se déploie, s’ouvre, s’étire.
Puis, assez rapidement et toujours en utilisant des fonds d’affiches, l’artiste évolue et privilégie des monochromes carrés d’un mètre sur deux, de cinq couleurs primaires. Il se rapproche par là d’un autre artiste qu’il a beaucoup regardé et admiré l’américain Richard Diebenkorn et sa série Ocean Park.
Pour l’une ou l’autre période, des inter-espaces se créent sur la toile, bousculant la vitesse de l’œil et installent une aspiration de couleurs et de traits dans lequel le regard se perd. La force du travail de Terencio González est de maintenir ensemble une double intensité de lignes et de couleurs où le blanc du fond de toile surgit dans cette interférence du sens et de la perception.
Dans les dernières œuvres, plus brutes peut-être et ne se saisissant que des matières, l’artiste semble avoir voulu expérimenter le thème de la spécificité de la peinture jusqu’à l’effacement. L’espace immaculée de la toile préparée, tendue sur châssis, reçoit la couleur parfois plus en profondeur ou baignée de coulures de spray. La lumière y surgit dans la matière. Toute la structure de l’œuvre est pratiquement changeante, ou plutôt insaisissable.
Dans l’ensemble de son travail, Terencio González cherche à se libérer de la tradition géométrique tout en conservant quelques traces, quelques signes qui, grâce à leur stabilité perceptive, peuvent ainsi ancrer une richesse de création tout à fait personnelle. Il est, pour moi, un des grands peintres de sa génération.
Françoise Docquiert