Avant de rentrer aux Beaux-Arts, Terencio González a mené une double vie pour le moins vaudevillesque : graffeur dans les rues, il travaillait au même moment pour un service municipal d’effacement desdits graffitis. En a résulté une conscience aiguë du caractère bavard des murs des villes, même métonymique, lorsque ces derniers sont recouverts d’aimables rectangles colorés pour masquer les inscriptions qui y ont été tracées.
Le peintre a choisi de retravailler sur ses toiles des affiches utilisées en Argentine pour des affichages sauvages : il s’agit de grandes feuilles de papier de qualité médiocre, irisées de couleurs vives, servant de supports de communication tant pour des événements politiques que pour des rassemblements festifs. Encollées sur toile sur une base réalisée à la peinture murale blanche appliquée au pinceau large et parfois grattée, comme s’il s’agissait à nouveau de murs que l’on regardait, les affiches sont ensuite retravaillées parcimonieusement à la bombe.
Dans ces grandes toiles méditatives, quelque chose du graffiti demeure toutefois, sous une forme indicielle : apparaissent à la surface des affiches imprimées sur des presses offset les résidus d’annonces et de slogans moulinés par les rotatives. Tout cela est bien léger, il faudra certainement s’approcher pour déchiffrer quelques fragments, mais ces moments d’erreur forment justement la chair de cette peinture métaphorique. Terencio González parle d’éblouissement à son propos, mais c’est une illumination qui n’oublie pas sa matière première, même si les mots paraissent évanouis.
Camille Paulhan
Critique d’art