Texte publié à l’occasion de l’exposition individuelle ‘Chroniques d’un été’ à la Galerie Jérôme Pauchant, Paris (2017)
Terencio González entre dans la peinture d’abord par la figuration, souvent avec des matériaux récupérés, brique, bois ou simple toile. Animé par l’esprit de Rauschenberg, Basquiat et Bazelitz qu’il cite comme référents, il peint des figures venues de la rue à l’état brut, recomposition arbitraire, un modelage déconcertant tout en arrondis, en coupes vives, en volumes imprévus. Très évidement des hommes mais dans une donnée inexpressive, placés là , murés dans leurs gestes, souvent en groupe.
Assez rapidement, il s’en écarte pour privilégier des monochromes carrés d’un mètre sur un mètre, de cinq couleurs primaires. Il se rapproche par là d’un autre artiste qu’il a beaucoup regardé et admiré l’américain Richard Diebenkorn et sa série Ocean Park.
Mais Terencio González est un chercheur. Il sait profiter de ses diverses expériences: à l’Ecole nationale supérieure des Beaux Arts de Paris, il s’enrichit au contact de Jean Michel Alberola dont il suit l’atelier. Il y puise beaucoup, y apprend à réagir sur l’état du monde, à l’importance du détail et à rencontrer des sujets populaires. Parallèlement, Il réactive ses racines argentines, région qu’il avait toujours côtoyé pendant des séjours dans le pays d’origine de son père. Il y collecte des fonds d’affiches en papier bon marché, d’un format spécifique qui servent à Buenos Aires à l’annonce de messages politiques, d’annonces de concerts ou de fêtes. Sans oublier un passage à la ville de Paris comme “nettoyeur” de graffitis où il est confronté à l’espace du mur.
Dès 2013 et partant de ces affiches , Terencio pose sur la toile une riche panoplie sémiotique et, ainsi, multiplie les implications formelles et chromatiques. Il est à la recherche d’une écriture nette, extrêmement lisible qu’il utilise pour définir un lointain ou animer le fond. Cette série semble très simple, renoncer à tous contrepoints, aux jeux de plan et devenir un schéma abstrait, réduit aux seules lignes de force. Mais les couleurs font la différence. Multiples, elles sont franches, puissantes, vibrantes à la manière d’un arc irisé. Les toiles sont rigoureuses dans leur structure, économes dans leur conception, explicites dans leur tension qui laisse parfois apparaître quelques traces d’un vocabulaire de lettres de plomb.
Pourtant rien n’est figé. En réponse à cette grille colorée, en bas un espace blanc, neutre, strié de quelques lignes horizontales faites à la bombe où on retrouve les tons primaires des monochromes. Terencio González laisse la couleur établir la trace définitive de l’œuvre. Loin de toute imitation (même construite) d’une forme préexistante, la toile joue sur le faire, elle figure une présence immédiate et latente de la matière.
Dans les œuvres de Terencio González, il y a bien l’indication de ce qui est renié ou plutôt assimilé : l’ordre du code perspective du Quattrocento, le renvoi à une perspective cézanienne et à sa rupture. Mais le silence du tableau n’est pas un champ de non-liberté. Au contraire, l’artiste avive notre regard et le rend plus aigu. Depuis ses débuts, il s’adonne à cette activité dérisoire de vouloir rendre en peinture ce que la nature fait d’une manière inimitable, évitant tout motif ou arrangement formel.
S’il met de coté toute représentation, il ne rompt pas avec le cadre, il incite son spectateur à percevoir la réalité comme illusoire.
Terencio González sait aujourd’hui, avec son expérience encore jeune, qu’un tableau n’est pas ponctuellement préconçu. Il croit à l’action fabricatrice, au jeu de l’assemblage, à l’autodynamisme des matériaux bruts ou travaillés, à la couleur qui se révèle peu à peu sur la toile. Terencio González affirme en permanence son goût pour la peinture, la lumière et le sublime et ne s’en cache pas. Il est, pour moi, l’un des artistes les plus inventifs de sa génération.
Françoise Docquiert